L’égalité de traitement des créanciers revendiquant les mêmes biens fongibles

Les propriétaires revendiquant de biens fongibles (grain, carburant, …) dans le cadre de la procédure collective dont peut être l’objet leur client se trouvent bien souvent en concurrence les uns avec les autres.

Lorsqu’il existe suffisamment desdits biens fongibles entre les mains de leur client débiteur pour satisfaire toutes les revendications, il n’y a pas de difficulté. Chacun se verra restitué son dû.

Les problèmes surviennent lorsqu’il n’existe pas entre les mains du débiteur, suffisamment de ces biens fongibles pour restituer à chacun des propriétaires revendiquant ce qu’il réclame légitimement.

Admettons pour illustrer la situation que chacun des propriétaires revendiquant ait bien, régulièrement, fait valoir ses droits à la revendication entre les mains de l’administrateur ou du mandataire liquidateur et que celui-ci ait acquiescé auxdites revendications.

Admettons, et ce n’est pas un cas d’école, que le total des biens fongibles existant entre les mains du débiteur soit notablement inférieur au total des revendications, par ex : la somme des revendications acceptées représente 1 000 Tonnes de grains, mais il n’existe entre les mains du débiteur que 300 Tonnes de ce même grain…

Comment, dans une telle hypothèse, régler le conflit entre les différents propriétaires revendiquant ?

Les dispositions du Livre VI du Code de commerce sont muettes sur le sujet.

La doctrine était divisée, et l’on peut citer trois courants principaux.

  • Certains auteurs estimaient qu’il convenait alors de servir le premier revendiquant en premier, quitte d’ailleurs à ce que celui-ci appréhende l’intégralité des biens fongibles existant entre les mains du débiteur en ne laissant rien aux autres revendiquant.

Cette position, contrevenait assurément au principe d’égalité de traitement des créanciers, et était inextricable si plusieurs revendications avaient été présentées le même jour.

  • D’autres auteurs se sont prononcés pour l’application d’une règle dite « au marc le franc« , qui consiste à calculer les droits de chaque propriétaire revendiquant en fonction du montant de sa créance.

Une telle position instaurait en réalité une prime à celui qui a vendu le plus cher, ce qui n’est pas juste.

  • Enfin, un autre courant doctrinal proposait de calculer les droits de chaque revendiquant en fonction du nombre de biens fongibles livrés et non payés, par rapport au volume total de biens de même nature entre les mains du débiteur, et de procéder ensuite à une règle de trois. Cette règle est dite « au marc la tonne/litre, etc…« .

Depuis fin Novembre 2016, la question est désormais tranchée.

En effet, par un arrêt du 29 novembre 2016, destiné à la plus large diffusion (FS-P + B + R+ I), la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de se prononcer dans les termes suivants, au visa des articles L. 624-9, L. 624-16 et L. 624-17 du Code de commerce:

« Attendu qu’il résulte du deuxième de ces textes que l’existence en nature des biens fongibles pouvant être revendiqués dans la procédure collective de l’acquéreur s’apprécie au jour de l’ouverture de celle-ci ; que lorsque plusieurs vendeurs avec réserve de propriété revendiquent, dans le délai de trois mois prévu par le premier texte, les mêmes biens, ceux-ci doivent leur être restitués à proportion de la quantité livrée par chacun d’eux et restant impayée à la date de l’ouverture « .

Cette décision qui vient consacrer la règle dite « du marc la tonne/litre, etc… » est la bienvenue et clarifie une situation courante en matière de revendication de biens fongibles dans le cadre des procédures collectives.

Grégory SVITOUXHKOFF

g.svitouxhkoff@alter-a.com

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