Dans un arrêt du 22 mars 2016 (n°14-19.915) et destiné à être publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient confirmer que « …la mission que le juge-commissaire peut, en application de l’article L-621-9, alinéa 2, du code de commerce, confier à un technicien n’est pas une mission d’expertise judiciaire soumise aux règles prévues par le code de procédure civile pour une telle expertise…« .
Elle en tire comme conséquence que le technicien ainsi nommé par le juge-commissaire n’est pas tenu de procéder à un échange contradictoire sur les éléments qu’il a réunis, ni de communiquer ses conclusions avant le dépôt de son rapport.
Cette position de la Chambre commerciale n’est certes pas nouvelle et s’inscrit dans le prolongement de sa jurisprudence en la matière, établie depuis 1995, qui estime que les missions confiées par le juge-commissaire à un expert, ou un technicien ne constituent pas des mesures d’expertise au sens des articles 263 et suivants du code de procédure civile, mais des missions d’investigation dans le cadre des procédures collectives (Com. 28 mars 1995 ; Com. 09 juillet 1996 ; Com. 23 juin 1998, n°96-12.222 ; Com. 16 mars 2010, n°09-12.008).
Par ailleurs, dans cette même veine, la Chambre commerciale avait eu l’occasion de rendre un arrêt le 1er février 2011 (n°10-40.057) aux termes duquel elle avait précisé que « les dispositions de l’article L.621-9, alinéa 2, du code de commerce, qui se bornent à conférer compétence au juge-commissaire pour désigner un technicien en vue d’une mission ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, les droits de la défense, le principe de la contradiction ou celui de l’égalité des armes« .
Quoique n’étant pas nouvelle, la position prise dans la décision du 22 mars 2016, vient ainsi répondre à une partie de la doctrine qui considère que l’établissement d’un rapport par un expert désigné par le juge-commissaire doit obéir strictement aux dispositions applicables en matière d’expertise judiciaire par le code de procédure civile, « compte tenu des dangers que représentent de tels rapports pour le plaideur, placé devant le fait accompli, une fois qu’ils sont en possession de la juridiction, par l’impartialité toute apparente qui s’en dégage » (notamment DALLOZ ACTION « Droit et pratique des procédures collectives », 8ème édition, 2015/2016, Pierre-Michel LE CORRE).
Ainsi, la désignation d’un tel technicien peut-elle être faite même sur simple requête sans débat contradictoire, les éléments réunis par ce technicien n’ont pas à faire l’objet d’un échange contradictoire et enfin, les conclusions du rapport du technicien n’ont pas à être communiquées avant le dépôt dudit rapport.
Sans doute faut-il voir dans cette jurisprudence constante de la Chambre commerciale la nécessité de faire prévaloir la célérité dans les procédures collectives, au détriment du contradictoire, en tout cas jusqu’au dépôt du rapport…
Grégory SVITOUXHKOFF
Avocat associé